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Pietro Perugino Portrait of painter Lorenzo di Credi 1488 oil on panel, transferred to canvas National Gallery of Art, Washington DC |
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Anonymous Netherlandish Artist Portrait of painter Jan van Wueluwe 1556 oil on panel Royal Museum of Fine Arts, Antwerp |
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Anthony van Dyck Portrait of painter Frans Snyders ca. 1620 oil on canvas Frick Collection, New York |
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Anthony van Dyck Portrait of painter Pieter Stevens 1627 oil on canvas Mauritshuis, The Hague |
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Anthony van Dyck Portrait of painter Pieter Snayers 1630 oil on panel Alte Pinakothek, Munich |
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Anthony van Dyck Portrait of painter Martin Pepyn 1632 oil on canvas Royal Museum of Fine Arts, Antwerp |
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Govert Flinck Portrait of Rembrandt as a Shepherd with a Flute 1636 oil on canvas Rijksmuseum, Amsterdam |
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Paul Mignard Portrait of painter Nicolas Mignard 1672 oil on canvas Musée des Beaux-Arts de Lyon |
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Isaac Fisches the Younger Portrait of painter Georg Philipp Rugendas the Elder 1701 oil on canvas Deutsche Barockgalerie, Augsburg |
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Hyacinthe Rigaud Portrait Study of painter Gabriel Blanchard 1715 oil on canvas Toledo Museum of Art, Ohio |
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Balthasar Denner Portrait of painter Cornelis Troost 1737 oil on canvas Rijksmuseum, Amsterdam |
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Balthasar Beschey Portrait of painter Marten Jozef Geeraerts ca. 1770 pastel Royal Museum of Fine Arts, Antwerp |
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Guillaume-Jacques Herreyns Portrait of painter Andries Cornelis Lens ca. 1770-75 oil on canvas Royal Museum of Fine Arts, Antwerp |
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Alexander Roslin Portrait of painter Lié-Louis Périn 1791 oil on canvas Musée des Beaux-Arts de Reims |
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Heinrich Friedrich Füger Portrait of painter Joseph Karl Stieler ca. 1800-1810 oil on canvas Neue Pinakothek, Munich |
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Pieter Christoffel Wonder Portrait of painter Abraham van Strij 1812 oil on canvas Dordrechts Museum |
Bien sûr, mais c'est une autre histoire, Michelet déteste ce tableau autant qu'il l'admire, parce que c'est une cène truquée, et non pas truquée par l'absence du Christ, dont il se souciait peu et même qui l'enchantait – non, truquée parce que l'âme collective qu'on y voit, ce n'est pas le Peuple, l'âme ineffable de 1789, c'est le retour du tyran global qui se donne pour le peuple. Pas onze apôtres, onze papes.
Peu importe. Dans le grand vent de lumière qui au Louvre vers 1820 fit chanceler Michelet, le jeune homme pâle et frémissant sous sa chevelure pour peu de temps noire, il y a ceci encore: Michelet, qui a toujours dit et pensé que la vraie peinture d'Histoire n'était telle que lorsqu'elle s'efforçait de ne pas représenter l'Histoire, Michelet s'est vu ici démenti. Et il l'avoue noir sur blanc. Les Onze ne sont pas la peinture d'Histoire, c'est l'Histoire. Ce que Michelet a vu au bout du pavillon de Flore, c'est peut-être l'Histoire en personne, en onze personnes – dans l'effroi, car l'Histoire est une pure terreur. Et cette terreur nous attire comme un aimant. C'est que nous sommes des hommes, Monsieur; et que les hommes du haut en bas, les lettrés et les gueux, aiment passionnément l'Histoire, c'est-à-dire les terreurs, les massacres; ils accourent de très loin pour les contempler, terreurs et massacres, ils accourent sous le couvert de déplorer les massacres, de les réparer même, disent-ils, les bonnes créatures – et voilà pourquoi, Monsieur, nous sommes ici, avec les foules de toute la terre, devant la très énigmatique muraille de onze hommes sur quoi l'Histoire s'est juchée. Voilà pourquoi les foules de toute la terre passent en flèche et sans la voir La Joconde, qui n'est qu'une femme rêvant, devant La Bataille d'Uccello qui est pourtant à sa manière l'Histoire en personne et un des précédents indubitables des Onze, devant le spectre rouge du cardinal-duc peint par Champaigne, devant trente-six fois Louis le Grand sous sa perruque de monstre, et se plantent là, devant la vitre à l'épreuve de balles.
– Pierre Michon, from Les Onze (Verdier, 2009)