Monday, March 24, 2025

Soft Edges - II

Giovanni Antonio Sogliani
St John the Baptist
ca. 1515-20
drawing
Kupferstichkabinett,
Staatliche Museen zu Berlin

Karl Blechen
Upper Terrace at Sanssouci Palace, Potsdam
ca. 1832-34
oil on paper, mounted on canvas
Alte Nationalgalerie, Staatliche Museen zu Berlin

Gerhard Richter
Sheik with Woman
1966
oil on canvas
Von der Heydt Museum, Wuppertal

Stephan Bundi
John Lurie - Lounge Lizards 
1989
screenprint (poster)
Museum Folkwang, Essen

Christopher Paudiss
Portrait of a Young Man
ca. 1660-62
oil on panel
Kunsthistorisches Museum, Vienna

Heinrich Campendonk
The Painter in the Country
1917
oil on canvas
Von der Heydt Museum, Wuppertal

Claude Monet
L'Allée des Rosiers, Giverny
ca. 1920-22
oil on canvas
Musée Marmottan Monet, Paris

Jean-Baptiste-Camille Corot
The Birch
1870
oil on canvas
Musée des Beaux-Arts de Marseille

Alexandre Marcette
Bas Escaut
1906
watercolor and gouache on paper
Musée des Beaux-Arts de Reims

Johan Christian Dahl
Cloud Study
1832
oil on paper
Nasjonalmuseet,Oslo

Fernand Léger
Study for Three Portraits
1910-11
oil on canvas
Milwaukee Art Museum

Ivan Galuzin and Oleg Samoilov
7/10-43 Photo-reconstruction
2015
C-print
Nordnorsk Kunstmuseum, Tromsø

James Ensor
Masquerade
1889
oil on canvas
Royal Museum of Fine Arts, Antwerp

Robert Delaunay
Fenêtres sur la Ville
1914
encaustic on cardboard
Lenbachhaus, Munich

Edgar Degas
Three Dancers
ca. 1898
pastel on paper
Ordrupgaard Art Museum, Copenhagen

Eugène Brands
Summer Haiku
1980
oil on canvas
Dordrechts Museum

C'était un joker, comprenez-vous? Cette peinture était un joker à jouer dans un moment crucial: si Robespierre prenait définitivement le pouvoir on produirait le tableau au grand jour comme preuve éclatante de sa grandeur et de la vénération qu'on avait toujours eue pour sa grandeur; on dirait hautement qu'on avait commandé en secret le tableau pour en faire hommage à sa grandeur, et au grand rôle qu'on lui destinait; et on lui dirait clairement qu'on était avec lui, qu'on avait tenu à honneur d'apparaître à ses côtés. On ferrait jouer l'alibi fraternel. Si au contraire Robespierre chancelait, s'il était à terre, on produirait aussi le tableau, mais comme preuve de son ambition effrénée pour la tyrannie, et on prétendrait effrontément que c'était lui, Robespierre, qui l'avait commandé en sous-main pour le faire accrocher derrière la tribune du président dans l'Assemblée asservie, et être idolâtré dans le palais exécré des tyrans. Ainsi cette peinture, Le Grand Comité de l'An II siégeant dans le Pavillon de l'Égalité, comme elle devait originellement s'appeler, soudain publiée serait un flagrant délit de pouvoir – une scène du crime, si vous voulez. Voilà le pourquoi des Onze. Eh oui, Monsieur, le tableau le plus célèbre du monde a été commandé par le lie de la terre avec les plus mauvaises intentions du monde, il faut nous y faire. 

J'ajoute ceci; dans l'un et l'autre cas, mise à mort ou apothéose de Robespierre, il fallait que le tableau fût juste, fonctionnât; que Robespierre et les autres pussent y être vus comme des Répresentants magnanimes, ou comme des tigre altérés de sang, selon que les faits exigeassent l'une ou l'autre lecture. Et que Corentin l'ait peint et réussi dans ce sens, dans les deux sens, voilà bien sans doute une des raisons pourquoi Les Onze sont dans la chambre terminale du Louvre, le saint des saints, sous le vitre blindée de cinq pouces.

– Pierre Michon, from Les Onze (Verdier, 2009)